mercredi 16 août 2017

le puits au fond du jardin @ la musique confisquée…




Dans cette culture désintégrée qu'on nous impose insidieusement, la musique classique, en particulier, n'a plus sa place dans notre société, et ce n'est pas sans raison si notre monde déboussolé ne tourne plus en rond.

Dans le très beau film de Roman Polanski, « Le Pianiste », le héros isolé du monde dans les ruines de la guerre, réussit à survivre à son aliénation grâce et par, l'imaginaire. Son imaginaire à lui, c'est la musique. Dans sa résistance, il ne s'agit que de cela : échapper à la confiscation de son imaginaire qui ne pourrait que le conduire à la barbarie.

Lorsque les mots ne suffisent plus à dire l'indicible, c'est la musique qui prend le relais, art purement imaginaire qui malgré la privation de dignité est capable de reconstruire le monde et de permettre de survivre.

Aujourd'hui, nous vivons nos propres barbaries. Pas un jour ne se passe sans que l'on tente d'atteindre à la capacité de l'imaginaire des gens. La pensée unique est imposée par les médias, de « Voici » à « Télérama », en passant par cet objet d'aliénation qu'est la télévision, et chacun, faisant semblant de rien, pense comme son voisin : « Rien ne vas plus, mais tout va bien ! », sans se rendre compte, que leur capacité d'humain, se désintègre au fond du gouffre qui n'en fait plus que des pantins.

Le sens de la musique, comme de tous les arts, est de situer le monde et d'en donner les clés pour sa compréhension. On a besoin d'un rendez-vous entre un artiste, compositeur ou musicien, et le public, pour situer le monde et élever ainsi sa conscience de vie. Nous sommes confrontés à une forme de barbarie qui a déjà atteint les corps et veut atteindre les esprits. Seul ce qui se vend et qui s'achète à de la valeur, nous martèle-t-on, dans nos têtes. Pas un jour ne se passe, sans que le progrès social ne soit vidé de son contenu. Aujourd'hui les programmes des politiques, des hommes qui nous gouvernent ou qui prétendent le faire ne proposent aucune ambition culturelle.

Nous vivons dans un monde qui ne cesse de fixer les limites du connu, alors qu'il faut se projeter dans l'inconnu pour repousser la peur. Plus vous donnez du connu, plus vous accentuez la peur de l'autre. Il y a une dictature du monde connu à la télévision et au cinéma, qui exclut toute tentative de dépassement.

La musique doit être un art tendu vers de nouveaux publics. C'est au concert que le public doit pouvoir rencontrer les 'uvres, qu'elles soient classiques ou contemporaines. De l'imprévu naît la rencontre, la transversalité. La solution passe par la jeunesse, celle dont on nous dit qu'il faut nous méfier. L'éducation populaire - éduquer est un métier - reste un des fondamentaux, or, elle est souvent ignorée, parfois méprisée et presque toujours massacrée. Certains n'y voient que le côté condescendant, mais c'est tout le contraire : l'éducation populaire, c'est l'autre qui vient vous donner.

Je prône la rencontre, celle des hommes et des femmes qui s'ignorent, qui ne franchissent jamais les portes des salles de concerts. Ce lieu est le lieu du partage. C'est peut-être enfoncer une porte ouverte que de dire cela, mais il faut l'avoir sans cesse en tête. Que serait une nouvelle musique pour un nouveau public ' On ne peut favoriser l'émergence de nouvelles esthétiques si on ne se pose pas cette question.

Il semble nécessaire que le service public rende à la musique ce qu'elle a reçu pour se fonder. C'est art de représenter le monde pose les questions fondamentales sur l'individu et l'art d'exister. Retrouver notre histoire, redonner aux gens ce qui leur a été confisqué, ça passe par la musique et les autres arts, ça passe par l'imaginaire aussi.

Peut-être est-t-il temps de retrouver le siècle des Lumières. Notre pays a su à un moment éclairer le monde. Retrouvons ces instants là, plutôt que de nous laisser porter dans l'abîme. Tenons tête, et restons ce que nous aurions toujours dû être, des ardents insoumis : « L'indiscipline aveugle et de tous les instants fait la force des hommes libres ». (Alfred Jarry)

La programmation « culturelle ! » aixoise est aujourd'hui dans un état de décrépitude absolu. Ne pourrait-on pas rêver d'une saison pensée et construite, s'ouvrant sur un thème unique, fort et convainquant, regroupant musique, théâtre, danse, peinture, sculpture, littérature, histoire, et plus, qui proposerait les oeuvres marquantes de l'histoire de l'Art, couvrant toutes les époques, du moyen'âge à nos jours, sans discrimination. Le choix est immense. Il suffit d'y puiser avec discernement et bon sens, et d'en confier la réalisation à des gens dont c'est le métier : artistes de tous horizons, jeunes et moins jeunes, célèbres et inconnus, dont l'essentiel est avant tout, la compétence. Le public devrait y trouver ce qu'il ne rencontre jamais, ce dont très souvent il ne soupçonne même pas l'existence : les désirs et délires d'artistes, créateurs de génie, qui, eux seuls, ont le talent d'ouvrir les portes de la connaissance et de la vie.

Il faut donc oser, déranger, remuer, bousculer. Le monde actuel s'enlise progressivement dans la médiocrité, dans une léthargie communicative qui le plonge dans l'indifférence et la monotonie. Et c'est là que la Culture prend toute son importance, en nous réveillant sur un monde visionnaire, capable de satisfaire le plus profond de nous-même.

Aix-les-Bains a la capacité de réaliser un tel projet. Il suffit de le vouloir. Ceux qui sont convaincus qu'une telle initiative est possible sont prêts et ne demandent qu'à participer, pourvu qu'ils soient entendus. Mais peut-être faudrait-il aussi, un jour ou l'autre, confier la démarche culturelle à un véritable patron, libre et indépendant, aux compétences assurées, qui serait le garant de l'imagination créative et de la qualité artistique auxquelles nous aspirons. Nous pensons enfin qu'il serait temps qu'Aix-les-Bains prenne l'initiative de lancer un véritable débat public : la Culture c'est quoi ' à quoi ça sert ' pourquoi est-elle toujours source d'angoisse chez ceux qui nous gouvernent '.

Voilà les questions que nous nous posons. Espérons qu'elles ne resteront pas sans réponses. « Plus les hommes seront éclairés et plus ils seront libres ». (Voltaire)

Hervé Gallien, 14 janvier 2008


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