Auditorium Orchestre
National de Lyon
Jeudi 2 novembre
2017, 20h
Yuja
Wang, piano et direction
Mahler Chamber Orchestra
Wolgang Amadeus Mozart Ouverture de Don Giovanni
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Ludwig van Beethoven Concerto pour piano n°° 2, en si
bémol majeur, op. 19
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Igor Stravinsky Suite de Pulcinella (version de
1949)
Ludwig van Beethoven Concerto pour piano n°1, en ut
majeur, op. 15
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Au lendemain du concert, je
me pose une seule question : « Ai-je bien vu, ai-je bien
entendu ce que je crois avoir entendu et vu ? » Non, évidemment. Ce
ne fut qu’une apparition de lumière, un mirage, un moment de grâce que je ne
vivrai sans doute jamais plus. Wang sur scène est identique à Wang-YouTube ou
autres, sauf qu’elle est vraiment vivante et qu’elle est venue réveiller les
morts, les morts de l’auditoire, les morts qui interprètent. Elle n’est pas
virtuose, elle est musique dans le sens noble du mot. A-t-elle de la
technique ? Probablement mais ça ne se voit pas, ça ne se voit jamais,
parce que ce qu’elle projette à son public, c’est tout son être, toute sa chair
à peine recouverte d’un tissus, toute sa pensée claire et limpide, toutes ses
convictions propulsées par une liberté totale, sans concession, sans
fioritures, sans apparats, une vérité nue comme elle se livre. Et son immense
force qui est son immense pouvoir, c’est qu’elle n’est pas. Elle n’est que
l’incarnation de la musique qui envahit la salle et nous enveloppe dans un son
venu d’ailleurs et magnifique. C’est à peine si elle bouge. Seuls ses doigts
semblent galoper en donnant le vertige, même si, dans le plus extrême des
pianissimi, elle isole un do – ou un fa ou un si - dans le silence des souffles
retenus jusqu’à la suffocation. Son autre puissance réjouissante, c’est sa
conception de son rôle de soliste qui s’intègre entièrement dans l’orchestre
incroyablement novateur et révolutionnaire qu’est le Mahler Chamber Orchestra
où tous les musiciens avec pour guide leur violon solo, prennent part à chacune
des notes des deux concertos en étant à la hauteur de Yuja Wang, en intégrant
leur participation au même titre que le piano qui n’est plus qu’un instrument
d’orchestre et donne une toute autre vision de l’œuvre. C’est sans doute
pourquoi, pour la première fois, j’ai beaucoup apprécié les deux premiers
concertos pour piano de Beethoven, alors qu’ils ne sont que des brouillons sans
intérêts que le compositeur scribouillait pour parfaite ses futures créations.
Yuja Wang est indissociable du Mahler Chamber Orchestra dont elle intègre les
sonorités à la perfection tout en le dirigeant de ses deux bras qui embrassent
et embrasent la partition, passant du geste donnant la pulsion aux fabuleux
musiciens de l’orchestre, au clavier maitrisé sans le moindre effort, par des
doigts qui confondent le blanc et le noir des touches, prolongation fidèle de
son corps.
La fusion orchestre/piano était telle que je ne crois pas jamais avoir entendu un soliste se mettre au service de l’orchestre d’une façon si intense, si précises et si flamboyante pour la musique.
La fusion orchestre/piano était telle que je ne crois pas jamais avoir entendu un soliste se mettre au service de l’orchestre d’une façon si intense, si précises et si flamboyante pour la musique.
J’ai entendu et vu un ovni
piano/orchestre. J’ai entendu et vu la vie, la vie libre que chaque être
devrait exiger de la société. La vie que le monde de la musique devrait
observer avec grande attention. J’ai une grande habitude des solistes, des
orchestres, des chefs et de toute la profession. Nous n’avons pas tous les
mêmes goûts. Mais ne pas reconnaître qu’avec des musiciens de cette trempe nous
sommes à l’aube d’une grande révolution, c’est vraiment être sourd et aveugle.
J’ai assisté hier soir à une grande leçon d’interprétation qui vaut toutes les
masters-classes très à la mode et qui ne servent pas à grand chose, à une
superbe leçon de pédagogie – y avait-il des élèves dans la salles et surtout au
moins un professeur ? – et avant tout à une leçon de vie qui me paraît
infiniment supérieure à toutes les belles phrases des pseudo-philosophes, des
moralistes de tous poils, des agences de conseils en tout genre. J’ai plus
appris en deux heures qu’en dix ans le ma vie. J’ai vu la lumière. J’ai entendu
la silence… je vous laisse conclure !
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